L'évaluation de la formation professionnelle L’évaluation de la formation en 7 questions

L'évaluation de la formation professionnelle L’évaluation de la formation en 7 questions

Tout achat, tout investissement, donne lieu en principe à une phase d’évaluation a posteriori. L’achat était-il justifié ? Le produit ou service était-il conforme à ce qui était annoncé ? Les équipes se le sont-elles approprié ? En a-t-on retiré ce que l’on en attendait ? La formation ne fait pas – ou ne devrait pas faire – exception à la règle. Comment les entreprises évaluent-elles les actions de développement des compétences qu’elles mettent en œuvre ? Quelles sont les meilleures pratiques ? Qu’en pensent les spécialistes ? Le point en 7 questions.

Chez DCRH, l'évaluation est primordiale.

1. A quoi sert l’évaluation de la formation ?
Le but de l’évaluation de la formation est de s’assurer que les objectifs fixés pour une action de formation précise ont bien été atteints.

Selon Jonathan Pottiez, auteur de L’évaluation de la formation (3e édition parue en 2021), la démarche vise à mesurer :

l’efficacité de la formation (son impact sur l’apprenant et sur l’organisation dans son ensemble) ;
et son efficience (le rapport coût/résultat).
La mesure de la qualité de la formation n’est pas une fin en soi, du point de vue de l’entreprise : elle se déduit de l’efficacité et de l’efficience.

L’évaluation de la formation permet simultanément :

de mesurer l’impact de l’investissement formation ;
d’identifier les meilleurs prestataires et de faire évoluer le catalogue ;
de piloter la gestion des compétences à l’échelle des équipes ;
de suivre les parcours individuels des collaborateurs.
>> Évaluation de la formation : ce qui a changé

>> L’évaluation de la formation en 7 étapes – Entretien avec Jonathan Pottiez (2/2)



2. Quels sont les différents types d’évaluation de la formation ?
On distingue généralement l’évaluation à chaud et l’évaluation à froid.

L’évaluation à chaud mesure la satisfaction de l’apprenant à l’issue de la formation. C’est le traditionnel questionnaire distribué en fin de session. Il ne faut pas sous-estimer son intérêt : même si la plupart des participants auront tendance à le remplir rapidement, avec souvent un biais favorable, c’est le moment où les aspects les plus saillants (positifs ou négatifs) de l’expérience de formation seront formulés. En pratique, c’est l’organisme de formation qui administre ce questionnaire et en analyse les résultats. Il peut être utile, pour l’entreprise qui emploie le salarié, de récupérer ces données.

L’évaluation à chaud désigne également une autre démarche : la mesure des apprentissages – à savoir, ce que le salarié a retenu de la formation, au terme de celle-ci. Lorsqu’il s’agit d’une prestation débouchant sur une certification ou un diplôme, c’est l’examen ou test final qui tient lieu d’évaluation. Dans le cas contraire, elle peut être organisée par l’organisme de formation et/ou l’entreprise.

L’évaluation à froid, de son côté, mesure l’impact à long terme de l’action de formation sur, d’une part, la façon dont le collaborateur fait son travail et, d’autre part, la performance de l’équipe ou de l’entreprise. Le cas le plus typique est celui d’une formation aux techniques commerciales (ou à un outil utilisé dans la commercialisation) : le chiffre d’affaires du collaborateur a-t-il augmenté, toutes choses égales par ailleurs, quelques mois après la formation ? La performance de l’équipe commerciale s’est-elle améliorée ?

Cette forme d’évaluation semble intuitivement la plus importante et la plus utile. Elle est cependant la plus difficile à mettre en œuvre. De ce fait, elle est beaucoup plus souvent négligée par l’entreprise.

>> L’évaluation à froid : et si on la faisait vraiment ?



3. Quelle méthode pour évaluer la formation ?
La méthode la plus connue en matière d’évaluation de la formation repose sur le modèle mis au point par Donald Kirkpatrick à la fin des années 1950. La démarche repose sur la distinction de 4 niveaux d’évaluation, qui correspondent à peu près aux notions que nous venons d’évoquer (les 2 formes d’évaluation à chaud et les 2 formes d’évaluation à froid) :

La réaction: c’est le questionnaire de satisfaction, administré soit en fin de formation soit 24 à 48h après par voie électronique. Dans son ouvrage L’évaluation de la formation, Jonathan Pottiez note qu’un questionnaire en fin de session permet d’avoir un taux de retour de 100%, mais que les commentaires sont plus qualitatifs si l’évaluation se fait en ligne de façon un peu différée.
L’apprentissage: il s’agit de mesurer « les acquis de la formation. Il peut s’agir de connaissances, attitudes ou habiletés (ou savoirs, savoir-être, savoir-faire) ou de compétences ». C’est une étape composite, qui peut avoir lieu en partie en cours de formation (à la fin de chaque chapitre) et en partie après.
Le comportement: c’est la traduction des compétences acquises dans la situation de travail concrète du collaborateur. En quoi la formation a-t-elle modifié la façon dont l’apprenant fait son travail ? « C’est à cette étape que les acquis de la formation cessent d’appartenir uniquement à l’apprenant et sont transférés, au moins pour partie, dans l’organisation », commente Jonathan Pottiez. C
Les résultats: on mesure ici l’impact de l’action de formation sur les résultats de l’équipe ou de l’entreprise. On considère ainsi l’efficacité finale de l’investissement formation.
Ce cadre conceptuel reste à la base de la plupart des démarches d’évaluation de la formation.

>> Pourquoi et comment évaluer la formation ? Entretien avec Jonathan Pottiez (1/2)

>> Comment mettre en place une démarche d’évaluation de la formation ?

>> L’évaluation de la formation : un acte de management (1/2)



4. Peut-on réellement calculer le ROI d’une formation ?
Il est difficile de mesurer le retour sur investissement (return on investment) d’une action de formation : le « toutes choses égales par ailleurs » est particulièrement difficile à établir. Une équipe voit ses performances s’améliorer après la formation de son manager : quelle part de cette croissance est-elle due respectivement à la conjoncture, à l’évolution du marché, au changement de composition de l’équipe, et aux compétences managériales nouvelles de son leader ?

Les spécialistes de l’évaluation de la formation préfèrent la notion de « retour sur attentes » (return on expectations, ou ROE). Cela suppose que des indicateurs mesurant ces attentes aient été définis avant l’action de formation elle-même. L’évaluation de la formation est un processus complet qui commence en amont de la formation et se termine plusieurs mois après. C’est une démarche bien différente de celle du contrôle qualité de la formation : celle-ci s’inscrit dans une logique de moyens, l’évaluation relève d’une logique de résultat.

>> André Perret : « Je suis en guerre contre la dictature de Qualiopi »



5. Quelle est la place des responsables formation et des managers dans l’évaluation ?
L’évaluation de la formation, si elle est déployée jusqu’au bout, représente donc un processus de gestion de la performance complet, qui dépasse de loin le simple enjeu de l’organisation d’une session de formation.

Le responsable formation est le garant de son organisation : c’est à lui que revient la tâche d’expliquer aux commanditaires des formations (les demandeurs de compétences) la méthodologie la plus efficace pour s’assurer que les actions pédagogiques auront bien l’effet transformateur attendu.

Les managers concernés sont étroitement associés au processus : ils doivent tout d’abord définir précisément leurs besoins et les indicateurs sur lesquels ils souhaitent que l’action soit évaluée.

C’est ce qui fait de l’évaluation de la formation un acte de management hautement vertueux pour l’entreprise comme pour les collaborateurs.

>> L’évaluation de la formation : un acte de management (2/2)

>> Pour en finir avec les questions sur l’évaluation des formations



6. Quel lien avec l’évaluation des compétences ?
L’évaluation des compétences intervient en amont et en aval de l’action de formation. Avant, pour définir précisément le besoin de formation d’un collaborateur. Après, pour vérifier que les compétences en question ont bien été acquises.

Cette étape n’est pas toujours conduite de façon rigoureuse, en particulier lorsqu’il est question de soft skills. Ces compétences sont souvent perçues comme difficiles à évaluer : elles comporteraient une dimension qualitative trop importante. Pourtant, il est à la fois possible et essentiel de mesurer les soft skills avant et après les formations qui leur sont dédiées.

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7. Les entreprises françaises évaluent-elles la formation ?
Où en sont les entreprises en matière d’évaluation de la formation ? Difficile de le savoir aujourd’hui. Une chose est sûre : plus on s’élève dans les niveaux du modèle de Kirkpatrick, moins l’évaluation est pratiquée. Mais les chiffres, très inquiétants, que l’on lit encore aujourd’hui le plus souvent (93% réalisent le niveau 1, la réaction, mais seuls 13% vont jusqu’au niveau 4, les résultats) datent du tout début des années 2010. Des études américaines semblent montrer cependant une évolution significative outre-Atlantique, qui laisse présager de réels progrès en France.

Il ne faut pas s’attendre cependant à ce que toutes les entreprises évaluent toutes les actions de formation au niveau 4 : toutes ne le justifient pas nécessairement. Une formation à la sécurité, par exemple, a vocation à être évaluée jusqu’au niveau 3 (le transfert effectif des acquis en situation de travail), mais pas au niveau 4 (l’impact sur les résultats de l’entreprise).

>> Évaluation de la formation : ce qui a changé

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>> Jean-Claude Dupuis : « On standardise la qualité au lieu d’évaluer la formation »



Les entreprises ont encore beaucoup de progrès à faire en matière d’évaluation de la formation. Leur attention a été monopolisée ces dernières années par la crise sanitaire et l’explosion concomitante des formations digitales. Les transformations induites par ces dernières rendent pourtant encore plus crucial l’enjeu de l’évaluation. Alors que le rythme de renouvellement des compétences s’accélère, il est plus que jamais essentiel de systématiser des méthodes d’évaluation fiables et processées au sein des organisations.
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